Les trois transparences de la traduction

Dès que nous savons qu’un texte a été traduit, nous sommes tentés d’établir une comparaison avec la version originale. La nouvelle version joue le rôle de prothèse, telle celle d’un membre du corps perdu. Toutefois, la traduction reste une nécessité. Il faut, évidemment, se demander si cette traduction exprime « la même chose » que le texte original. Mais, que veut-on dire par cette « même chose » ? Nous avons du mal à ne penser qu’en équivalence.

Si nous réduisons les différences entre la version originale d’un texte écrit et la nouvelle version pour insister sur le rapport entre l’auteur et le lecteur, nous parlerons d’équivalence ou de transparence. Très vite, lorsque nous tentons l’expérience, nous voyons que c’est tout à fait impossible de trouver une équivalence complète. Pour ces raisons, quelques distinctions s’imposent.

La transparence formelle 

La correspondance de la forme d’une phrase vers sa traduction est la plus évidente pour le lecteur, surtout lorsqu’il connaît les deux langues. En prenant en compte cet aspect formel, nous remarquons les mots et les structures syntaxiques des phrases en commun entre la nouvelle version et l’originale. En fait, sur la page, la forme d’une phrase — ordre des mots, locutions, expressions, sélection et registre du vocabulaire — nous dit beaucoup. En effet, une phrase dans un texte ne se définit pas seulement par l’organisation de ses mots, mais aussi d’un point de vue du sens.

La transparence fonctionnelle

Une traduction qui se concentre trop sur la rectitude syntaxique risque de ne pas assez mettre en valeur le sens. L’acte de traduire fait ressortir les ambiguïtés écrites, vraisemblablement mieux que presque n’importe quel autre moyen. À travers ce détecteur de sens multiples, nous découvrons des significations que l’écrivaine ou l’écrivain n’a pas toujours prévues. 

Souvent, la littérature (tout comme les plaisanteries) tourne autour de cette dualité où le mot juste de la phrase originale exige un équivalent dans la phrase traduite. Bien que la fonction de ces textes, anormalement chargés, nécessite cette polyvalence, n’importe quel texte tire le bénéfice d’un tel souci. Les textes pratiques — sites Webs, communiqués de presse et articles académiques — ont souvent besoin d’être vérifiés afin qu’ils ne se concentrent que sur une idée à la fois.

La transparence culturelle

La considération de la forme et de la fonction d’un texte ne suffit pas s’il frappe le lecteur comme « une traduction » — un texte manquant de naturel, un texte anormal dans la langue cible. Lorsque nous ne grandissons pas ou, au moins, ne vivons pas avec une langue comme moyen principal de communication et de penser, nous marquons les détails évidents pour ceux qui portent cette expérience profonde. Nous risquons d’accepter une correspondance simple entre les mots ou entre les sens, une version à l’autre. En nos jours, une machine accomplissait un tel travail dans une manière que (plus en plus) les gens trouvent passable. 

Or, une machine résoudrait toujours avec difficulté les éléments culturels, surtout ceux s’appliquant aux langues. Par exemple, si l’on traduit « sirop » de français à l’anglais, il faut savoir qu’en français nous pouvons utiliser le mot tant un jus frais d’un petit fruit. En revanche, en anglais il constitue toujours une réduction de sève ou d’un fruit. Alors, la meilleure solution incorporait cette différence ; elle pourrait être « nectar ».  

Le fait qu’une machine travaille de l’usage statistique de langage suggère (même si un jour ils traitent mieux les aspects culturels) qu’ils trouveraient toujours des difficultés avec les aspects fins du langage tels que la littérature, étant donné que là nous cherchons des moyens novateurs d’expression. Cela apparaitrait tant qu’une traduction libre, mais (bien faite) c’est la traduction le plus fidèle à l'original, où la traduction se semble pour un lecteur dans la langue cible comme l’original se semble au lecteur dans la langue d’origine. ◊